Quand plus rien ne parait accessible,
Quand la vie elle même n'a plus de sens,
Dans un sursaut d'espoir on peut décider de tout recommencer.
Alors,soudain, quelque part ailleurs,
Sans s'y attendre, quelque part quelqu'un,
Et l'existence de nos métamorphoses grandioses que l'on avait oubliée nous revient.
Je vous souhaite la bienvenue ici.
Je vous invite à découvrir "De nos grandioses métamorphoses", mon premier roman.
Pour ceux qui l'ont déjà découvert, merci de votre soutien, si important.
Pour ceux qui ont envie de le découvrir, je vous souhaite une très agréable lecture.
Je compte bien entendu sur vos commentaires. Ils seront enrichissants.
A très bientôt.
klo le 22-11-2009 à 17:10:04 # (site)
Bonjour
Quelle écriture fluide et où chaque mot est à sa place! Un régal! J'ai hâte de pouvoir lire la suite.
klo le 22-11-2009 à 17:10:04 # (site)
Bonjour
Quelle écriture fluide et où chaque mot est à sa place! Un régal! J'ai hâte de pouvoir lire la suite.
La souffrance est pire dans le noir ; on ne peut poser les yeux sur rien.
Graham Greene.
On peut commencer une histoire où l'on veut.
C'est du moins ce que les gens avaient l'habitude de dire. Comme beaucoup d'autres individus j'avais vu ces émissions télévisées diffusées aux heures de grande antenne, aux titres aguicheurs et chocs : « ils sont repartis de zéro », « ils ont tout quitté du jour au lendemain » ou encore « un nouveau départ pour une nouvelle vie ».
« Comment tout recommencer ? » criait le présentateur volubile, les mains ouvertes face à la caméra...
Je m'étais confortablement installée devant l'écran et j'avais considéré les images qui défilaient d'un oeil suspicieux.
Sans filet et sans aucune garantie ces gens avaient abandonné leur ancienne vie pour s'en reconstruire une nouvelle...Et dans mon écran de télévision, ils souriaient... Fascinant.
Tout laisser. Quitter tout. Partir en quête d'un avenir incertain sans regarder derrière soi. Un futur à l'image d'un lancé de dés... Impensable...
« N'était ce pas trop risqué ? » avait questionné l'animateur en s'adressant à un homme barbu d'une quarantaine d'années, ancien cadre dynamique, devenu agriculteur tout comme l'avait été son père un jour.
« Non » avait-il répondu immédiatement dans un haussement d'épaules. « Je n'en pouvais plus de cette vie, je n'avais rien à perdre », avait il alors rajouté d'un trait, d'une voix dénuée du moindre regret.
Un peu plus tard, alors que les derniers mots de cet homme raisonnaient encore dans ma tête, une femme qui ne souhaitait pas être reconnue, rendue méconnaissable par le port d'une perruque et d'une immense paire de lunettes de soleil aux verres teintés, avait déclaré à la caméra avec beaucoup d'émotions contenues : « Nous avons tous droit à une deuxième chance ».
Et ce droit était accordé sans condition. Il appartenait à tout le monde. Il ne se méritait pas, non il ne se gagnait pas non plus. Une aubaine car je n'étais pas certaines d'avoir fait mes classes. Toutefois, je n'avais jamais fait de mal sciemment à qui que ce soit et si je n'avais pas encore gagné ma place au paradis, je pouvais au moins attendre de la vie qu'elle m'offre une occasion, à moi aussi, de tirer un trait
sur le passé.
J'avais regardé défiler les images avec application et entendu chaque son, chacune des paroles de tous ces gens, l'inflexion de leurs voix et leurs inspirations même. Nous pouvions tous tout recommencer, ailleurs.
Après avoir voyagé léger et anonyme, devenir quelqu'un d'autre paraissait simple et à la portée de chacun.
Comme pour un ancien détenu qui désirait cacher son passé et son nom, une valise et une terre que l'on n'avait jamais foulée suffisaient alors à tout permettre.
Et j'avais fait mes bagages.
A tout prendre, cette petite ville blottie dans les Rocheuses, au bord des eaux bleues et vertes de lacs magnifiques, m'était apparu aussi bien qu'une autre. Au moins j'y avais trouvé de l'espace, un ciel dégagé et des sommets enneigés.
Jasper était une petite ville tranquille de l'ouest canadien. Un endroit sans histoire, un point sur une carte, mentionné non pas à cause de sa taille ou de sa population mais grâce à la beauté de ses paysages, ses montagnes majestueuses renfermant des trésors magnifiques.
Situées à la limite de l'Alberta et de la Colombie Britannique, ses Rocheuses inscrites sur la liste du patrimoine mondial des Nations Unies, abritaient des milliers de catégories de plantes et d'insectes, mais surtout des espèces de mammifères rares et solitaires, tels des wapitis, des cerfs, des caribous, des ours, des coyotes, des loups et tant d'autres.
On ne pouvait point imaginer la richesse d'un pareil endroit. Même le climat était réduit à passer au second plan.
Symbole incomparable d'un équilibre certain, je m'y étais installée un mois plus tôt pour tout cela.
Peut être aussi que ces lieux m'avaient rappelé mon chez moi. Ce coin de terre en Afrique où j'avais grandi, heureuse, et que ne désirais pas oublier. Un autre hémisphère, un autre temps, mais une même atmosphère, tranquille et sauvage.
Ces années, passées là bas, restaient les seuls souvenirs dont je ne souhaitais pas me défaire.
Bien au contraire, souvent, quand j'avais besoin d'un peu d'aide et de courage, ils me tenaient chaud.
Quelle chose étrange que les souvenirs. De notre enfance, nous ne garderions que des images peu nombreuses, floues, effacées par les années. Mais la mémoire, j'en étais certaine, pouvait triompher sur le cours du temps et graver en elle des moments de vie d'une netteté surprenante. De la mienne, j'avais conservé des souvenirs précis, des souvenirs où je me voyais à mon image, dans lesquels j'étais moi.
Je portais des pantalons, jamais de robes ni de jupes, que je détestais. Je marchais les pieds nus, libre.
Sur ma route, des rolliers à long brins et des albatros chantaient pour moi.
Petite, j'avais eu pour habitude de me rendre souvent sur une des collines de la Montagne de la Table.
Ce petit coin en altitude n'avait rien de touristique, il n'était pas non plus un lieu sacré. A chaque fois que j'y allais, je m'y retrouvais seule. J'avais le sentiment que ce bout de rocher déserté n'appartenait qu'à moi. Je m'asseyais toujours sur la même pierre et j'admirais la ville de Cape Town baignée de soleil qui de là où je me trouvais, paraissait minuscule. Je laissais la chaleur m'envelopper à mon tour.
Elle me donnait l'impression de remplir mon âme. Aujourd'hui encore je pouvais la sentir sur ma peau, caressante et aimante, elle m'avait toujours offert la paix intérieure.
Depuis, je n'avais plus jamais vu de paysage aussi magnifique. Jusqu'à ce que je mette un pied à terre dans ce coin reculé du Canada, que j'en respire son air et que pour la première fois depuis plus de dix ans, j'avais trouvé la force de continuer une vie désastreuse en chérissant l'espoir de la rendre plus belle.
Ce matin là, j'ouvris tranquillement les yeux, me rappelant alors parfaitement la première fois où j'avais vu cette avancée de montagnes, évoquant la puissance de divinités ancestrales.
Un fin rayon de soleil qui s'échappait des volets vint me réchauffer le visage.
Cela me fit du bien, la nuit venait d'être difficile.
Et il en était souvent ainsi.
D'abord, il y avait le soleil radieux, source de chaleur, nourrice de l'espoir.
J'aimais cela. La chaleur et la luminosité, cette impression qu'elles offraient de ressourcer sans compter.
Ensuite s'en suivaient le déclin du jour, puis le crépuscule et les ténèbres de l'obscurité prenaient alors la relève, chargés d'angoisses et de mots douloureux, ils exécutaient leurs charges au milieu du silence immobile.
Je restais toujours un moment à cligner des paupières dans le noir, le temps d'accepter l'idée que la nuit revenait et de me demander comment j'allais la passer. Comme tout à chacun, fatiguée, je désirais glisser dans le sommeil et y trouver une forme de repos salvateur. Après un grand moment et un nombre
inimaginable de profondes inspirations, je me retrouvais toujours allongée sur le dos ou assise dans mon lit, les yeux rivés au plafond que je ne distinguais pas toujours, le cerveau en ébullition.
Le sommeil ne venait pas et encore moins le repos.
Depuis mon arrivée ici, mes nuits sans sommeil s'étaient toutefois espacées, se faisant plus rares.
Mais elles étaient encore trop fréquentes. J'en émergeais nécessairement les yeux cernés, avec un teint de papier mâché. Le violet sous mes cils témoignait de mes insomnies, impossibles à dissimuler.
J'enviais ces gens au sommeil paisible, bercés par la nuit qui les autorisait à rêver derrière leurs paupières closes et tranquilles.
J'enviais aussi leur peau rosée, leur regard reposé.
Je voulais rêver moi aussi. Je voulais rêver doucement et même intensément puis me réveiller en me souvenant parfaitement de tout ce que la nuit m'avait permis.
Etonnamment, à cet instant, je sentis que tout pouvait devenir différent. Comme si la faible lueur qui venait me caresser me soufflait que tout était possible.
Je voulus croire que j'allais vivre une belle journée.
Pleine d'espoir, je dévalai les escaliers et ouvris grand les volets.
La lumière en ce début du mois de septembre était magnifique. Il faisait un temps radieux...Le ciel, d'un bleu éclatant, s'étirait pour faire de la place aux rayons du soleil.
Je ne m'étais pas trompée, cela augurait nécessairement quelque chose de bien, un jour important.
Je fis couler mon café d'un geste machinal et l'avalai en m'allumant une cigarette.
Par la fenêtre j'aperçus le jardin verdoyant, les montagnes en face de moi et au loin leurs sommets qui allaient se perdre à l'infini dans le ciel azuré.
Avec ses larges vallées, ses monts escarpés, ses glaciers, ses forêts, ses prairies et ses rivières sauvages alentours, je me dis en serrant fermement mes doigts autour de la tasse qu'ici peut être je pouvais tout recommencer. Je voulais apprendre à ne plus me presser ni à fuir, à ralentir, à prendre les choses comme elles venaient, à goûter chaque instant de la vie. Je voulais tant me reconnaitre.
Mes doigts passèrent dans mes cheveux blonds emmêlés, résultante des combats que j'avais livrés toute la nuit durant. Le nez collé au carreau, mon regard fixait toujours l'extérieur sans qu'il ne le vit plus vraiment.
Les yeux perdus dans ma contemplation, je repensais à ces dernières années, à ma vie et à ce que j'en avais fait.
Je songeai à ce passé, le résumant en quelques secondes tellement il était pauvre. Pauvre, insignifiant aussi et si lourd.
Je songeai à la vie que j'aurais eue en restant à New York. Idiotie. Cette vie là je l'avais vécue et elle ne valait rien. Une vie de misère, même pas suffisante pour combler un chien.
Et le pire, c'était que je savais que je ne pouvais blâmer personne. J'étais seule responsable.
Je pensai alors à cette vie qui me restait à vivre.
Serait-elle meilleure ? Saurais-je la rendre différente ? Et moi allais je parvenir à devenir différente ? A redevenir un peu celle que j'étais ?
D'un geste de la main, comme si cela pouvait s'avérer efficace, je balayai l'air devant moi afin de chasser mes pensées.
- N'y pense pas, songeai je. C'est une belle journée. Ne gâche pas tout.
Une fois mon troisième café avalé, je consentis enfin à aller me doucher en me maudissant, d'être à présent en retard.
Je devais confesser que de cela aussi j'en avais l'habitude.
Trois quarts d'heures plus tard, après une lutte acharnée pour me donner bonne mine, je sortis de la maison. La brise me caressa le visage, ébouriffant ma longue queue-de-cheval. J'aimais cette sensation, cet oxygène propre et frais, la lumière crue sur moi me rappelant que j'existais.
Pour la première fois depuis très longtemps, j'éprouvais de l'envie. Une réelle envie. J'aurais aimé pouvoir tout oublier, tout laisser derrière moi. Ce jalon noir représentant ces dernières années, fardeau pesant trop lourd sur mes épaules menues, je voulais l'ôter et l'abandonner quelque part sur mon chemin, n'importe où, qu'importe.
Je voulais si fort enlever mes chaussures et mes habits pour changer de peau, en revêtir d'autres, de bien plus jolis que j'aurais choisis, et puis passer mes journées à marcher, à courir même, vers un bonheur enfin accessible.
Mes yeux s'attardèrent un instant sur le Mont Edith Cavell et ses forêts alentours. Cela devait être agréable de s'asseoir le coeur léger, pour jouir du paysage, de cette vue qui rend humble, disposer de tout cet espace autour de soi, de toute cette quiétude. S'en imprégner et se l'approprier, se sentir aussi grande et aussi forte qu'elle.
Un jour peut-être.... Peut être aujourd'hui. Et si c'était pour demain, alors ce ne serait pas grave pourvu que demain vienne.
Je m'octroyais le droit de rêver au futur, de retrouver l'assurance qui était en moi, la beauté des gestes et la vie comme elle avait un jour été et comme elle aurait du l'être toujours.
Il est de ces matins rares, où l'on se surprend à espérer. Et où soudain, pour la première fois, le sentiment que l'on peut gagner l'emporte sur tous les autres.
Cybou06 le 10-10-2010 à 20:19:08 #
Après avoir lue cette introduction, j'attend la sortie de ton bouquin avec impatience. Bon courage pour la suite.
Cybou06 le 10-10-2010 à 20:19:07 #
Après avoir lue cette introduction, j'attend la sortie de ton bouquin avec impatience. Bon courage pour la suite.
Cybou06 le 10-10-2010 à 20:19:07 #
Après avoir lue cette introduction, j'attend la sortie de ton bouquin avec impatience. Bon courage pour la suite.
Christwi le 27-08-2010 à 16:36:01 #
Dès l'intro j'ai été transporté, les autres chapitres je ne les lirais pas..
non, j'attendrai. J'attendrai de sentir ce bouquin dans mes mains.
Vivement !
elwin le 30-01-2010 à 16:52:59 # (site)
Ma puce, tu sais que je suis à fond avec toi.
Puisses-tu être publiée. Tes écrits sont magnifiques, et ce 1er chapitre nous entraine de suite à vouloir plonger dans l'histoire.
Te rappelles-tu des 1ers mots que tu m'as dit sur cette histoire ?
"J'écris ..."
j'avais ri alors en te disant "t'écris quoi tes mémoires ?"
Et bien non tu écris tout simplement, et tes mots sont magiques ...
Ne doutes jamais de toi, et ça prendra le temps que ça prendra , mais un jour nous retrouverons en librairie ta magnifique plume . Et je veux être une des première à en avoir un exemplaire !
T'as intérêt de toute façon ! LOL
sendreen le 30-01-2010 à 10:13:31 #
Toujours aussi magnifique, tu sais nous plonger dans ton histoire, bravo.
Pap's le 06-01-2010 à 14:56:47 #
Scotché littéralement dès les premières lignes , une réelle fluidité dans le texte , les mots choisis qui font déjà de cette intro une parfaite entrée en matière .
Tu sais capter le lecteur et ce n'est pas donné a tout le monde , bref , tu as envie d'en savoir plus mais envie aussi de relire ce premier bout de texte au cas ou certains mots t'auraient échappé .
Une envie de déguster ces phrases avec délectation car tu y es tellement que tu veux encore descendre cette souris et découvrir des lignes qui s'enchainent ponctué d'idées , de sentiments ...
Tu " es" cette personne , tu ressent ces émotions , tu vis a travers elle & moi je dis ENCORE !
Ta plume est magnifique ma belle , n'en doute pas ! jamais ! tu te mentirais à toi même , je veux un exemplaire dédicacé dès que tu le publie ...
car tu vas le publier n'est ce pas ?
Bisous et continue d'écrire , cela te réussi !
- Tu devrais penser à dormir un peu.
Je compris à sa réflexion que je ne devais pas paraître au comble de ma forme.
Je lui répondis, presque sur un ton d’excuse.
- J’ai vidé quelques cartons, rangé un peu. Je n’ai pas vu l’heure passer.
Je connaissais Maggie depuis peu.
Je l’avais rencontrée à mon arrivée à Jasper un mois plus tôt.
Sans perdre un instant, la première fois que nous nous étions croisées, elle m’avait souri et avait entamé la conversation. C’était la première chose qu’elle avait faite en me voyant. Elle avait souri.
Bien entendu elle avait tenté ce premier contact en me questionnant sur les raisons de ma venue. Les gens avaient plutôt tendance à partir d’ici pour rejoindre des lieux plus civilisés. S’y installer et s’y installer volontiers devenait tellement rare que par les temps qui couraient, cela en devenait intriguant.
Peu habituée et peu encline à parler de moi, je m’étais refermée plus que de raisonnable. La conversation avait alors pris fin sans que Maggie n’apprenne quoi que ce soit au sujet de la nouvelle arrivante que j’étais.
Le lendemain pourtant, en l’apercevant, je lui avais souri à mon tour. Elle était de ces gens rares qui n’inspiraient que ce genre de réactions et de sentiments.
Elle m’avait immédiatement retourné le geste, me confirmant ainsi l’idée que j’avais déjà d’elle.
Je compris avec soulagement qu’elle avait déjà oublié mon manque d’éducation de la veille.
- Je te le promets, je vais tacher d’être plus raisonnable. Ce soir je m’efforcerai de faire une nuit convenable.
Elle haussa les épaules et je l’entendis marmonner.
Vraisemblablement elle ne me croyait pas.
Elle repoussa sa frange de son front, légèrement remuante fit demi tour, sa silhouette s’éloigna.
Si notre taille était identique, Maggie était un peu plus corpulente que moi. Ses cheveux châtains tombaient sur ses épaules et ses yeux étaient pareils à deux émeraudes. Elle n’était pas à proprement parler un « canon » de beauté, mais j’étais consciente qu’en revanche, elle était sans aucun doute possible, la jeune femme la plus gracieuse qu’il m’ait été donné de rencontrer et cela lui conférait un charme inégalable.
Un quatrième café à la main, je gagnai mon bureau.
Ma journée de travail commençait.
A peine une heure plus tard une agitation soudaine se mit à gagner l’ensemble du personnel.
Certains se mirent à aller et venir en tous sens alors que le pas des autres se fit plus pressé. J’eus même le sentiment que le bruit des doigts frappant les claviers d’ordinateurs se décuplait dans l’espace tandis que le volume des conversations diminuait.
Je réalisai aussitôt en constatant cette panoplie de réactions que la direction du journal faisait son entrée et que tout bonnement, chacun des petits soldats du corps de notre armée prenait bien soin de s’afférer à sa tâche.
Navrée, je secouai la tête.
Maggie n’en avait pas perdu une miette et gloussait en face de moi.
Nous échangeâmes un regard complice, nous nous étions comprises.
Je la vis pouffer de plus belle.
Décidemment, je commençais vraiment à l’adorer.
Je ne m’étais pas trompée, Adam Green et William Callen firent leur entrée.
Je remarquai immédiatement qu’ils paraissaient vêtus de la même tenue : costumes sobres parfaitement coupés, parfaitement repassés. Tout chez eux les rendait austère.
Pourtant leur allure était complètement différente.
Le premier était grand. A le détailler, il devait mesurer 1m85, deux têtes de plus que le second.
C’est la démarche sure, le pas convaincu et l’air grave, qu’ils traversèrent la salle de rédaction.
D‘un bond, deux femmes sautèrent de leurs fauteuils et se mirent à les suivre.
Je reconnus Nancy et Rebecca, leurs secrétaires. Elles m'avaient reçue quand j'avais passé mon entretien d’embauche.
Le rendez vous m'avez été fixé à dix heures et je fus ponctuelle pour une fois. Ce ne fut qu'en découvrant ces essaims de filles ultrasophistiquées et ces groupes de garçons, tous clones de Clark Kent que je paniquai. Je n'avais jamais soupçonné qu'ici, au milieu de ces montagnes, se trouvait une réplique du New Yorker. Une sonnerie discrète avait retenti pour signaler que nous étions arrivés à l'étage demandé et les portes de l'ascenseur avaient coulissé silencieusement, comme avec déférence sur une salle de rédaction harchie comble.
Je commençai alors à avoir le sentiment de n'être vraiment pas à ma place tout en étant projetée dans une autre dimension, celle de mon ancien journal. La secrétaire de William Callen, Rebecca, avec ses bijoux clinquants et son maquillage impeccable ne m'avait pas aidé à évacuer ce sentiment.
Elle m'avait invité à m'assoir et à feuilleter quelques uns de leurs derniers numéros.
Au lieu de quoi, je fis toutes sortes d'exercices mentaux pour me remémorer l'historique du journal, récitant du bout des lèvres tout ce que je savais, comme si j'allais passer une interrogation orale.
Une autre femme vint me chercher. Nancy, la secrétaire d'Adam Green. Elle était plus petite que la précédente et svelte. Elle me conduisit à un bureau à la déco froide aux murs débordants de diplômes, prix et photos révérencieux. Avec un sourire crispé, elle m'annonça que j'allais rencontrer Monsieur Green.
Au bout d'une bonne demi-heure, j'avais vu apparaître un homme grand, à la stature imposante.
Son costume était sombre et aussi froid que son bureau.
De but en blanc, sans avoir pris le temps de se présenter correctement, il s'était lancé dans une description du poste. Le ton monocorde de sa voix m'en appris beaucoup. Ce laïus il l'avait répété un bon nombre de fois. C'était du tout prêt, du rabâché.
Mais je n'eus pas le temps de me perdre en conjectures.
Il débitait en effet des adjectifs et des superlatifs comme « inouïe », « fantastique », « saisissant », « le meilleur » à un rythme effréné.
Il récita son speech sans même prendre la peine de me regarder ou de feindre un intérêt pour le travail que j'avais accompli à New York.
Cet homme n'avait pas l'air stupide pourtant j'eus l'impression qu'il essayait de m'enrôler pour intégrer une secte. Finalement et bizarrement, il commença à prendre vie. Il me dit alors que le métier était dur, les journées incroyablement longues.
« Vous ne chômerez pas », m'avait il prévenu.
William Callen fit ensuite son entrée. A l'inverse de son comparse, il m'inspecta de pied en cap. J’eus droit là encore à un discours interminable. Cette fois je réussis à être attentive. Sans doute parce qu'il parut adorer son travail. Sa voix vibrait d'excitation tandis qu'il évoquait l'aspect rédactionnel du journal, son désir d'expansion et plus particulièrement les ambitions qu'il nourrissait pour le développer.
Quand leur flot de paroles successives se tarit, ils finirent par me regarder, tous les deux.
- Qu'est ce qui vous a amené chez nous, Mademoiselle?
Je ne pouvais pas leur avouer les vraies raisons de ma venue dans ce coin perdu. Ça m'aurait grillé à tout jamais.
- J'ai lu votre annonce. Il me semble avoir compris parfaitement le profil de la personne que vous recherchiez. J'ai la conviction d'être la candidate idéale pour ce poste, ai je affirmé alors.
Le poste, nous l'avions tout juste évoqué. La description précise de quelle pourrait être ma tâche si j'étais embauchée, à peine effleurée.
Mais je voulais cette place de toute mon âme. Je voulais partir de New York. C'était un endroit comme celui là que je voulais rejoindre. Tant pis si je devais chaque jour tenir une rubrique sur les bouquetins ou les renards. Le poste me conviendrait. Je m'en contenterais.
Et je fus prise.
Alors que je me remémorais la façon dont j'avais gagné mon droit de vivre ici, mes deux chers patrons me passèrent sous le nez.
Derrière eux une porte claqua.
Sans plus de cérémonie, ils venaient de s’enfermer.
A cet instant j’eus le sentiment que ma journée n’allait pas être aussi magnifique que ce que j’avais pu le penser deux heures plus tôt.
Résignée, je me remis au travail.
A peine quelques secondes passèrent et Adam Green ouvrit la porte vitrée en poussant un cri tellement fort que ses poumons auraient pu exploser :
- Logan Barnes !
Surprise, je sursautai en faisant un bond gigantesque. J’étouffai un cri. Puis comprenant qu’Adam Green venait de m’appeler du seuil de son bureau, je me retournai.
D’une voix étonnée, j’articulai un « oui ? » qui comparé au cri que l’homme venait de pousser parut inaudible.
- Rejoignez nous je vous prie.
L’attitude hautaine de mes patrons et leurs visages fermés ne m’indiquaient rien qui vaille.
Je m’efforçai pourtant de gagner leur bureau avec l’air que l’on a quand on est sur de soi.
Une fois la porte refermée dernière moi, sans perdre un instant, Green m’interpella sans plus de cérémonie.
- Mademoiselle, bonjour.
Savez-vous pourquoi nous vous avons demandé de nous rejoindre ?
Il avait prononcé ces mots sans faire cas de la moindre ponctuation, telle une machine programmée pour connaitre son discours par cœur.
- Non Monsieur je ne le sais pas, répondis-je.
Il insista :
- Vraiment ?
- Oui Monsieur, je vous l’assure, j’ignore complètement pourquoi vous m’avez appelé, insistai je confuse.
Je commençais à m’inquiéter vraiment. Je fouillais dans ma mémoire pour me rappeler ce que j’avais pu faire ou dire de fâcheux.
- Très bien Mademoiselle Barnes, nous allons vous l’expliquer.
Il contourna alors le bureau et s’assit à coté de son confrère dans un énorme fauteuil en cuir tout aussi imposant qu’eux. Je me sentis minuscule.
De sa main droite il finit par me proposer un siège.
Ce simple geste commença à me rassurer. Une discussion semblait s’annoncer. Je songeai que peut être je n’allais pas me faire virer immédiatement du bureau à grands coups de pieds au derrière.
Une fois que je fus assise, il reprit :
- Nous sommes très satisfaits du travail que vous avez accompli depuis votre entrée au sein de l’Alberta Daily Post.
Nous avons donc décidé de vous confier autre chose que la rubrique « faits de société », un travail bien plus passionnant.
A ce moment là, mes lèvres se pincèrent. Dans l’attente, je cessai de respirer.
- Bien entendu ce que nous vous proposons n’est qu’un essai. Considérez Mademoiselle…
- Logan, le coupais je.
- Oui considérez, Logan, que nous vous donnons une chance de faire vos preuves.
Nous ne doutons pas de votre motivation.
J’ignorais comment les mots purent alors sortir de ma gorge pour lui demander :
- Et de quel travail s’agit-il ?
Un silence s’installa.
William Callen prît alors la parole pour la première fois en me gratifiant d’un sourire tout à fait commercial.
- Nous comptons former une équipe qui sera chargée d’enquêter …
Il hésita un instant puis reprit.
- Pour tout vous dire, nous comptons faire de ce qui se passe actuellement ici, la priorité du journal.
Des hommes et des femmes sont retrouvés massacrés et plusieurs avis de disparition ont été diffusés. La peur a pris le dessus sur tous les autres sentiments.
Les gens ne comprennent pas ce qui se passe ici.
Tout cela fera l’objet de votre travail. Nous attendons de vous, de vous tous, souligna t’il alors, un travail pertinent, une implication de tous les instants.
Ce que nous souhaitons c’est LE dossier qu’aucun de nos concurrents n’aura élaboré.
Le cours du temps sembla se figer.
Toute ma vie j’avais attendu ce moment.
J’étais journaliste depuis que j’avais vingt ans.
J’avais consacré chaque jour de ces cinq dernières années à cela et pourtant soudain, j’étais tétanisée par ce challenge à relever.
- J’accepte, Messieurs déclarai-je pourtant sans attendre.
Tout s’était passé si vite, dans la plus grande frénésie que je n’eus pas le loisir de peser le pour et le contre, de délibérer comme je le faisais d’habitude. Pour tout. Mais j’avais le pressentiment que cela aurait été de la folie de ne pas saisir pareille opportunité.
Ils se dressèrent de conserve et me tendirent chacun une main confiante.
Je leur offris la mienne en veillant à ce qu’elle leur paraisse déterminée puis leur tournai le dos en sortant de la pièce d’un pas un peu trop chancelant à mon gout.
Maggie m’aperçut et blêmit.
Son regard était inquiet, les traits de son visage, tendus. Elle courut vers moi en me questionnant aussitôt.
- Logan que se passe-t-il ? Me lança t elle.
- …Maggie… je crois que je viens d’avoir une promotion !
Je n’eus pas le temps de lui en dire plus qu’une voix retentissante nous faisant toutes deux sursauter s’écria :
- Maggie Ford !! Venez, je vous prie.
Elle se tourna dans la direction de la voix qui venait de l’apostropher. Callen se tenait dans l’embrasure de la porte. D’un pas rapide je la vis se diriger vers lui, un sourire béat accroché à ses lèvres.
La joie gagna soudain tout mon être, je sentis mon visage s’illuminer tandis que le soulagement prenait le pas sur mon angoisse naissante.
Maggie et moi devenions partenaires.
A l’heure de la pause déjeunée, nous étions parvenues à découvrir que notre équipe était composée de cinq personnes.
Je ne sais pas qui de nous deux, Maggie ou moi, se réjouissait le plus de travailler avec l’autre.
J’avais le sentiment, peut être erroné, que c’était moi.
sendreen le 31-01-2010 à 11:09:50 #
Tu nous donnes envie de connaître un personnage et son histoire en seulement quelques lignes.
L'espoir est comme le ciel des nuits : il n'est pas coin si
sombre où l'oeil qui s'obstine ne finisse par découvrir une
étoile.
Octave Feuillet.
Au mois de septembre à Jasper, l’été était déjà terminé mais la nature regorgeait encore de splendeurs.
L’automne qui entreprenait déjà de se frayer un chemin allait et venait, il faisait des manières.
Pendant que les feuilles commençaient à couvrir d’or les châtaigniers et les bouleaux, le ciel prenait une autre teinte, abandonnant son bleu azur pour un bleu saumoné par endroit.
La température avoisinant les 14 ° à la meilleure heure de la journée, rappelait également à chacun que l’été s’était terminé et que les congés avaient pris fin laissant derrière eux promenades, randonnées et rafting.
Jasper permettait en effet tout ce que pouvait offrir une telle étendue sauvage et était devenu durant la période estivale, la destination favorite des adeptes d’escalades, d’excursions, de rafting et autres.
Plus généralement les gens venaient à Jasper pour la beauté de ses paysages, pour ses parcs immenses regorgeant de trésors constitués par la végétation et les animaux sauvages qui les peuplaient mais aussi parce que l’endroit était un havre de paix inégalable.
Cette ville de vingt mille habitants, en forme de « J » suivait les contours de la rivière Athabasca d'une couleur bleue profonde et alimentée par le glacier Columbia qui avait d’ailleurs donné son nom à la vallée.
De l'autre côté de la rivière, on pouvait apercevoir s’élever la ronde montagne Whistler's, dominant le paysage, dont les lacs, allaient du turquoise à l'indigo.
Maggie était née ici et c’était comme si elle était imprégnée de la sérénité des lieux. Son contact m’apaisait.
Comme chaque midi, nous traversions la rue pour aller nous restaurer au café d’en face, Chez Dany.
Gonflée de cette énergie flambant neuve, je sautais dans la rue plus que ce que je ne marchais.
En chemin, Maggie m’attrapa le bras ; ce geste familier me serra le cœur, je lui souris en lui déclarant :
- Tu sais Maggie…merci.
Elle stoppa sa marche brusquement, faillit par là même me faire trébucher et surprise me demanda
- De quoi me remercies-tu ?
- De ta gentillesse, de ta gaieté… tu me fais du bien Maggie lui répondis je, émue.
Le feu passa au vert alors que je m’emparai doucement de son bras pour traverser.
Nous franchîmes le passage clouté en sautillant bras dessus-bras dessous comme deux adolescentes, la petite terrasse de Chez Dany nous tendant les bras.
Cela faisait plusieurs années, une vingtaine pour être précise, qu’un café-brasserie nichait à cette adresse de la Rue Saint Roch. Daniel, était âgé d’une cinquantaine d’années. De taille moyenne, légèrement trapu, cet homme n’inspirait au premier abord que tendresse et confiance.
Il tenait cet établissement depuis sa création et la première fois que je m’y étais rendue, j’avais été surprise de remarquer à quel point cet endroit était charmant, chaud et accueillant.
En rentrant, on remarquait d’abord le long comptoir légèrement arrondi, une invitation à s’asseoir pour y déguster un délicieux moka ou une bière.
Vos yeux se posaient ensuite sur les poutres en bois couleur miel qui traversaient le plafond puis sur le mur gauche du café, entièrement bâti de pierres apparentes. Tout contre, des banquettes douillettes et des fauteuils avaient été disposés autour de petites tables rondes, un petit salon privé dans un lieu public.
A l’angle de ce mur, la vieille cheminée, régulièrement allumée, déversait dans toute la pièce une odeur de pin et de résine envoûtante.
Des tables rondes et carrées ainsi que des guéridons en faisaient un lieu de vie où il faisait bon d’y être entre amis pour venir bavarder, boire et se restaurer tout en passant un bon moment dans la plus grande convivialité.
Lorsqu’on pivotait pour admirer l’autre côté de la pièce, on pouvait remarquer que le mur de droite lui, était brossé en jaune pale et recouvert de plaques émaillées à l’ancienne et de vieux objets des années trente et quarante.
Dans ce café bien ancré dans ce quartier commerçant et passant se mêlaient toujours les fidèles et les gens de passage, des touristes pour la plupart.
Dany veillait à ce que chacun, qu’il soit habitué ou non, trouve dans son établissement tout ce qu’il était venu y chercher. Et chaque jour, Maggie et moi, c’était ce que nous faisions.
Alors que nous franchissions le pas de la porte, Dany nous lança un « salut les filles ! » chantant.
Nous lui répondîmes en chœur en le gratifiant de nos plus beaux sourires.
Il se retourna très vite et continua à prendre la commande d’une tablée de six personnes.
Sans mot dire, nous allâmes nous installer à notre table favorite, les habitudes ayant la vie dure, déjeuner à cette table était devenue une tradition.
Une fois assises, Maggie s’avança vers moi, étirant la moitié de son corps par-dessus la table et me questionna en articulant excessivement chacun de ses mots :
- Alors Logan, que dis tu de tout ça ?! N’est ce pas incroyable ?
Ses yeux pétillaient.
Je lui répliquai immédiatement :
- C’est une occasion en or, de celles que l’on ne peut pas louper.
Mais tu sais… je suis nouvelle dans cette ville, au journal je ne connais personne, je ne connais d’ailleurs pas grand monde ici il faut bien l’avouer.
Je suis très contente Maggie, je me sens juste un peu perdue au milieu de tout ça. C’est beaucoup de changements en peu de temps.
Elle posa sa main sur la mienne et employant un ton aussi doux qu’une caresse me chuchota :
- Tu me connais moi.
Je ris en fixant nos mains et rajoutai :
-C’est vrai, tu as raison. Ne t’y trompe pas, je ne regrette pas d’être venue ici et je suis heureuse de cette promotion.
Ce qu’on nous demande risque d’être passionnant, et toi ? Toi qu’en penses-tu ?
- Je suis ravie ! R-A-V-I-E !!
Je me demandais, ajouta-t-elle timidement, craintive de ma réaction …je ne sais rien de toi…
Depuis que nous avions faits connaissance, j’avais en effet éludé la majeure partie de ses questions, changeant de sujet, fuyant son regard, je trouvais toujours une dérobade.
Je trouvais mon attitude ridicule, j’agissais comme si j’avais commis un crime odieux par le passé, seulement j’avais encore beaucoup de mal à évoquer certaines choses.
Sa main toujours sur la mienne, Maggie me fixait avec attention.
- Je sais, lui soufflai je.
Tu sais ma vie n’est guère passionnante, ajoutai je résignée. C’est juste que ces dernières années ont été difficiles pour moi.
- Je me doute que l’on ne part pas vivre à des milliers de kilomètres de chez soi sans raison….Qu’as-tu fuit ? me demanda-t-elle sur un ton patient.
- Je ne sais pas trop.
- Tu recommences. Tu recommences à être évasive.
Je hochai la tête. Je savais qu’elle disait juste. C’était plus fort que moi, je ne savais pas me conduire différemment.
Elle tenta de me rassurer.
- J’ignore les raisons qui ont pu te conduire ici mais tu peux m’en parler.
Je baissai les yeux, fixant la nappe en papier rouge posée sur l’assiette vide. Ne pas voir Maggie rendait moins pénible ce que j’allais lui dire.
- Mon frère est mort quand j’avais 18 ans. Alors tout a commencé à me faire horreur, tout, les gens, la lumière du jour, le soleil quand il brillait. La nuit aussi. Je rasais les murs les yeux collés au sol pour ne plus rien voir. Je ne voulais plus entendre non plus. Les phrases légères et les sempiternels pleurnichements de ceux dont j'observais le corps pur et léger m’insupportaient au point de me rendre folle. Les copains que j’avais, leur jeunesse et leur insouciance. Je leur en voulais d’être heureux. Moi, je me sentais déjà vieille.
Il était la seule personne qui me faisait tenir debout tu comprends ?
Elle me fit un signe de tête, médusée.
Etrangement, lui parler me soulagea. Je poursuivis sans trop savoir pourquoi.
- J’ai cru mourir avec lui. J’ai fait une grosse dépression. Je n’avais plus goût à rien. Rien ne m’émouvait. les choses de la vie, les gens. Tout cela m’était devenu étranger. M’intéresser à leur vie, je n’y arrivais plus. Je suis tombée malade, mon corps ne réagissait plus, je pense qu’inconsciemment je voulais le rejoindre.
Ma mère était anéantie. Perdre un enfant, comment vivre avec ça ?
Elle restait des heures, des jours entiers, à fixer un point, sans parler.
Elle vivait dans un monde de silence et de souvenirs. Un jour j’ai compris qu’elle n’était plus avec nous. Ce jour là, j’ai sombré. Je suis tombée encore plus bas. Et quand tu tombes aussi bas, tu es sure que plus jamais tu ne pourras te relever.
Elle ne pouvait pas m’aider et moi je n’ai pas su le faire pour elle.
Nous étions seules elle et moi, séparées.
Notre peine nous éloignait tellement l’une de l’autre. Sans cesse je me répétai « prépare-toi au pire ». Ma vie devenait un enfer chronométré. Chaque jour je me demandais où allait l’emporter sa dégringolade. Parfois même les pires pensées m’envahissaient. « Maman va mourir elle aussi », c’étaient les mots qui se déversaient sur moi et qui m’emmenaient toujours plus bas.
Un jour un médecin m’a déclaré que je devais m’en sortir, que j’avais tout à vivre. D’abord sa phrase m’a fait rire tellement je l’ai trouvée décalée et formatée. Mais elle est restée gravée en moi.
Sans le savoir, il m’a sauvé. Cet amour absolu qui me lie à ma mère, ce cordon que nous n’avions jamais coupé ni l’une ni l’autre, je l’ai pris et je l’ai emmené avec moi.
Il fallait que je me reconstruise, je savais que ce serait long, que ça allait être difficile.
Je n’y croyais pas vraiment. Mais je suis partie. C’était plus facile de tout recommencer, ailleurs. C’est comme ça que j’ai atterrie à New York. J’ai espéré de toutes mes forces qu’elle tenait encore un peu à la vie et que cet amour triompherait. Aujourd’hui elle va mieux et en quelque sorte, moi aussi. Mais nous portons toujours les stigmates de nos jours et de nos nuits de souffrances.
Et à New York j’ai échoué. Je n’étais pas heureuse.
J’ai beaucoup de difficulté à parler de tout ça Maggie, c’est encore extrêmement douloureux, lui avouai je dans un souffle, le regard toujours baissé.
Je soufflai un grand coup. Ces confidences étaient si difficiles à révéler et à entendre aussi. Je décidai alors de couper court à ces aveux.
- Comme tu le sais j’ai ensuite passé cinq ans là bas et je me suis décidée à postuler ici après avoir vu votre annonce de recrutement sur Internet. Après avoir été reçue lors de deux entretiens, j’ai été retenue. J’ai accepté l’offre qui m’a été présentée et j’ai tout quitté pour arriver ici deux semaines plus tard.
S’en était terminé. J’étais parvenue à lui parler un peu de ma vie. Je pouvais alors relever le visage vers elle, même si j’avais peur de ce que j’allais pouvoir lire sur le sien. Je craignais toujours de rencontrer de la pitié et de la pauvre compassion dans les yeux des autres. C’était une des raisons qui me poussait machinalement à me taire.
Mais elle se contenta de me fixer de ses grands yeux verts.
- Merde alors…moi qui croyais que tout ce mystère provenait d’une histoire d’amour qui avait mal tourné…s’exclama-t-elle.
Elle me sidéra.
Je secouai la tête pour confirmer qu’elle s’était trompée.
- Non Maggie, pas du tout. Rien de tout ça.
- En parlant d’amour, ta vie sentimentale, c’est un grand mystère.
- Que veux-tu savoir ? Dis-je malicieusement.
- A peu près tout ! s’exclama t elle.
Tout, ton grand amour ? Qui est-il ?
Elle s’emballait dans de grands gestes.
- De quel amour me parles-tu ? Du Grand Amour ? Tu veux parler de celui qui te soulève, te transporte ?
- Ouiiii !!! Hurla t elle en me coupant.
- Je suis désolée Maggie mais celui là je ne peux pas t’en parler, je ne l’ai pas connu. Et toi ?
- Arf…A seize ans j’étais folle amoureuse d’un garçon, Bobby …Comment s’appelait il déjà ? Se questionna t’elle en tournant sa tête de côté. Elle resta perplexe un moment, la moue concentrée, un doigt posé sur sa bouche …je n’arrive pas à m’en souvenir, s’étonna t’elle, un peu déçue.
Bref…c’était un sale con, m’apprit elle en battant l’air de sa main de façon à mieux justifier son oubli.
Il a brisé mon petit cœur qui était tout neuf. Depuis j’ai collectionné les échecs…
Je suis attirée par les vauriens, m’avoua t’elle piteuse.
Tandis que j’agitais la tête, je me surpris à lui déclarer :
- Tu vois moi aussi j’ai un problème : c’est que je ne suis attirée par personne !
Crois tu vraiment que cela soit mieux, lui demandai je dans un hochement de sourcils.
Nous éclatâmes alors d’un rire franc, d’un rire complice, nous moquant des gens alentours.
Nous rigolions tellement fort que quelques clients se retournèrent.
Je vis alors que Dany se dirigeait vers nous, son petit calepin à la main.
Il nous demanda d’abord en plaisantant si nous avions gagné à la loterie pour glousser de la sorte puis il prit notre commande.
Nous n’avions qu’une pause d’une heure aussi, après avoir avalé une salade italienne et bu un café en toute vitesse, il fut temps à nouveau pour nous de revêtir nos tenues de super reporters.
Pendant notre déjeuner, si nous nous étions raconté nos vies nous avions également convenu d’entamer des recherches sur les moindres faits qui avaient touché la région ces deux derniers mois.
L’après midi passa ainsi, à une rapidité incroyable, sans que nous ne nous parlions pour ainsi dire quasiment pas, plongées dans nos recherches, épluchant des chroniques et chacun des articles de faits divers que nous trouvions.
A dix huit heures le bureau croulant sous une tonne de papier pareille à un mur que j’aurais dressé entre moi et le monde, je ne distinguai pas Maggie qui s’avançait vers moi.
- Je pense que je vais rentrer Logan, me lança t’elle par-dessus la cloison de feuilles. Je suis vannée et la journée de demain va être rude. A demain ma belle, soupira t’elle les bras ballants, visiblement épuisée. Elle déposa une bise sur ma joue et fit demi-tour.
Elle entreprit de faire quelques pas vers la sortie quand d’un coup elle se retourna comme si elle avait oublié derrière elle quelque chose de vital. Elle pointa son index dans ma direction.
- N’oublie pas ! Tu m’as promis d’être sage ! me rappela-t-elle vivement. Tu m’as juré de te coucher tôt pour être fraiche et belle demain ok ?!
- Ok, je vais voir ce que je peux faire, dis-je sur un ton faussement convaincu, comprenant bien que le sien relevait plus de l’ordre que de la question.
A demain Maggie, lui répondis je en souriant-repose-toi, toi aussi.
Elle traversa la pièce qui s’était déjà vidée cette dernière demi-heure et appuya sur le bouton de l’ascenseur.
Je la vis disparaître dans le silence qui avait remplacé l’effervescence de cette journée.
Nous n’étions plus qu’une demi-douzaine de journalistes à travailler.
Je me mis à penser que seuls ceux qui avaient une vie bien « vide » tardaient à rentrer chez eux.
Une heure plus tard, je finis par lever la tête de mes papiers et j’aperçus par la fenêtre Vicky, une collègue, s’allumer une cigarette en sortant du bâtiment et filant d’un pas rapide.
Machinalement je sortis mon paquet de cigarettes de mon sac à mains.
- Trois minutes de tranquillité, murmurai-je…trois minutes de pur bonheur à savourer.
Cette cigarette je l’appréciai de toutes mes forces en me disant qu’il était temps tout de même de partir.
Je tirai sur elle une dernière fois avant de l’éteindre, désireuse de savourer ce dernier instant de détente totale.
Une minute plus tard je disais au revoir au troisième étage du bâtiment du Boulevard Roosevelt.
Il était dix neuf heures trente, la nuit avait fait fuir le soleil et l’obscurité régnait en maîtresse absolue sur les ruelles étroites de la ville. Elle avait emporté le combat…
Dès que je mis mon nez dehors, l’air frais me saisit immédiatement. Happée par la brise glacée, instinctivement je remontai sur mon cou le col de ma veste, mis mes mains déjà engourdies à l’abri du froid dans mes poches et pressai le pas.
Mes doigts étaient déjà glacés, à croire que je les avais plongés dans une congère.
D’un simple coup d’œil, je constatai que les rues, la journée si vivantes, avaient été désertées. J’aperçus seulement la roulotte d’Owen sur le trottoir d’en face et quelques téméraires qui avaient bravé le froid pour se procurer ses succulents hot dogs.
L’odeur qui se dégageait était terriblement appétissante mais le froid me contraignit à continuer ma route. "Tant pis pour le hot dog", pensai-je.
Accélérant la cadence, je pestai intérieurement de devoir autant marcher, ma voiture étant garée à encore dix bonnes minutes de là.
Le matin, il m’avait été impossible de stationner plus près du journal, les emplacements et les parkings avaient été pris d’assaut par des bien plus matinaux que moi.
Je me maudis une nouvelle fois d’être continuellement et irrémédiablement en retard, ce qui entrainait nécessairement de devoir chaque matin jeter ma voiture aussi loin pour arriver à l’heure au travail. Je décidai cependant de ne pas faire preuve de contrition et d’abréger mes souffrances en coupant par le parc.
Le gardien me salua alors que je passai devant lui, je lui répondis seulement d’un signe de tête, le reste de mon corps congelé refusant de répondre aux consignes que je lui envoyais.
Visiblement il comprit parce que je le vis pouffer bien au chaud dans sa cabine. Je passai la grille de fer forgée fraîchement repeinte en noir métallisé et me retrouvai dans un endroit agréable. Un petit parc avec une fontaine en pierre, légèrement noircie par les années, des bancs disposés au milieu d’étendues gazonnées et des allées pavées bordées de réverbères à l’ancienne. Je m’émerveillai à chaque fois devant la propreté du lieu. Pas un seul papier laissé négligemment à terre, pas d’emballages plastiques ou cartonnés, aucun gobelet qui vint souiller ce petit parc public jonché uniquement de feuilles de platanes et d’érables aux tons rouge et or.
Mes pas raisonnaient en écho aux talons qui fouettaient le sol. Dans le silence, le bruit se décuplait.
Une trentaine de mètres plus tard, ma main droite farfouilla dans mon sac pour en extirper une cigarette.
Mon sac ressemblait à la caverne d’Ali baba et je m’insultai, à voix haute cette fois.
Je finis par m’emparer triomphante d’une Marlboro et l’allumai instantanément. Une braise incandescente s’en détacha et tomba sur l’étoile surpiquée de ma veste. D’un geste vif, je secouai la broderie noir argenté en étouffant un juron.
Le parc était désert évidemment. Qui pouvait décider de se promener la nuit dans une froideur pareille ?...
Même les écureuils m’avaient abandonnée.
La première bouffée de ma cigarette me réchauffa et c’est alors que je les vis.
Ils étaient trois. Trois hommes. Ils me fixaient sans bouger.
J’eus un sursaut, mon cœur cessa de battre une fraction de seconde tandis que je les dévisageai.
Sans savoir réellement pourquoi, ma colonne vertébrale se raidit et mon sang se glaça dans mes veines.
Un frisson parcourut tout mon corps qui se pétrifia davantage.
Une petite voix me souffla de ne pas leur dévoiler ma panique. Alors je continuai de marcher en regardant droit devant moi, l’air détaché. L’air de rien. Je feins de les ignorer, dans des foulées plus grandes et plus rapides. Un pur reflexe. Je sentais qu’il fallait que je m’en aille.
Du coin de l’œil, sur ma droite, je les voyais m’observer, immobiles.
Je poursuivis mon chemin toujours d’un pas rapide, sans courir toutefois, me persuadant que j’étais devenue une vraie froussarde, que j’avais peur sans raison et lorsque j’en arrivai à la conclusion que j’étais grotesque, je LE vis commencer à bouger, son visage fixant le mien avec une intensité indescriptible.
Je croisai alors son regard, inquiétant, pire, effrayant et compris que depuis le début j’avais vu juste : Je devais m’enfuir.
Dopée par une folle décharge d’adrénaline, je partis soudain dans une course sans précédent, l’instinct me poussant à courir le plus vite possible.
Je tentai un regard derrière moi, il me suivait dans des enjambées gigantesques. Il m’avait laissé prendre un peu d’avance, certain de me rattraper. Comme l’aurait fait un prédateur, il m’avait leurré me laissant croire que je ne risquai rien pour ensuite mieux me piéger.
Si la situation n’avait pas été aussi effrayante, je me serais félicitée d’avoir eu peur dès la première seconde où je les avais aperçus.
Les cheveux collés au visage je cavalais aussi vite que mon corps me le permettait, mon cœur cognant dans ma poitrine comme s’il voulait en sortir. Le sang affluait et martelait mes tempes à m’en faire exploser la tête. Cela me rendait sourde, je n’entendais rien d’autres que ces battements bruyants raisonnant dans mes oreilles. Je me retournai une seconde fois en tentant de reprendre un peu d’air, il s’était rapproché.
Seule une distance d’une dizaine de mètres nous séparait à présent.
Il faisait si sombre.
Je ne voyais presque rien, la lumière fluette des quelques réverbères n’éclairant pas suffisamment le chemin de ma fuite. Je courrais en aveugle, en essayant de ne pas m’embroncher pour ne surtout pas tomber.
J’avais peur.
J’avais terriblement peur. La peur… Elle était partout. Dedans, autour. Elle animait mes jambes pour les faire bouger, aller en avant, plus vite, encore plus vite et en même temps elle les congestionnait, contrariant leurs mouvements. Fuir, courir... Je n’avais pas d'autre issue.
Son attitude ne laissait pas de doute possible. J’étais en danger.
J’ignorais ce que cet homme me voulait, mais je savais qu’il ne fallait pas que
je tombe entre ses mains pour le savoir.
Dans une réflexion un peu bancale, je pensai que si je lui balançais mon sac, il cesserait de me traquer. C’était sûrement cela, tentai je de me rassurer. Il désirait mettre le grappin sur mon sac à mains. Et rien de plus. « Rien de plus » me répétai-je à bout de souffle.
Je le lâchai d’un geste, presque volontiers, priant intérieurement que cela lui suffise et qu’il stoppe sa course. Je continuai de courir sur une bonne cinquantaine de mètres et me retournai une nouvelle fois.
Mon sac gisait au loin sur le sol, sa chute ayant renversé tout son contenu sur le bitume et lui, lui, il avait disparu. S’était-il au passage contenter de s’emparer de mon porte feuille ?
Affolée, je ne me sentis même pas soulagée de sa disparition. Je n’avais qu’une idée : déguerpir.
Alors que sans perdre le rythme je me retournai pour reprendre ma cavale, il se dressa là, devant moi.
J’étais Paralysée. Ce n’était pas mon sac ni mon porte feuille qui l’intéressait.
C’était moi.
Incapable de la moindre réaction je le regardais terrifiée. Et je savais que j’avais l’air terrifiée. Ma fierté se rebiffa. Je cherchai alors dans ses yeux une explication à tout ça.
Face à moi, il s’approchait d’un pas tranquille, affichant un sourire narquois.
Tout dans ses gestes, dans son visage, était angoissant.
Je compris alors immédiatement qu’il n’y aurait pas d’explication.
Dans ses yeux, la seule chose que je vis, ce fut l’enfer.
Grand, imposant, sa stature aurait suffi à m’épouvanter. Il était bien plus fort que moi.
Je le fixai les yeux écarquillés par le choc - et je ne criai pas. Pourquoi ? J’avais eu l’automatisme de fuir, pourquoi à cet instant là, restai je muette, n’appelai je pas au secours dans un ultime réflexe de survie ?
Alors que l’on s’observait, il fallut que je me concentre pour retrouver une toute petite partie de mes cordes vocales pour lui jeter :
-Laissez-moi tranquille, si vous approchez encore je me mets à hurler.
Ma voix s’étrangla alors que ma menace le fit partir dans un rire retentissant.
A présent je reculai alors qu’il s’avançait toujours vers moi.
- Je vous ai dit de me laissez tranquille, répétai je
Pour la première fois, j’entendis sa voix me répondre.
- Non mais tu plaisantes là chérie ? C’est toi qui es venue me chercher. Tant pis pour toi !
Des images défilèrent devant moi. Je revis mon frère tenter de m’inculquer quelques notions de self défense. Je me souvins qu’il me disait, en faisant toutes sortes de démonstrations, qu’un coup de pied bien placé pouvait clouer n’importe qui au sol. Je me tordais de rire en le regardant faire ses pirouettes, si j’avais su j’aurais été une élève plus appliquée.
J’étais piégée.
Je fis alors la seule chose que je savais faire et qui me paraissait évidente : je repris ma fuite dans le sens contraire. Je me mis à cavaler comme une folle, de peur que ce monstre ne me rattrape. J’entendais son souffle derrière moi, il était tout près, je le sentais. Je sentis aussi le désespoir s’emparer de moi. Ce n’était pas juste, je n’étais pas de taille.
A peine deux secondes plus tard, il faillit arracher mon bras quand il s’en empara me faisant voler au passage. Je me fracassai sur les pavés en pierre pour m’en relever immédiatement. Une tache rouge se dessina sur mon jeans au niveau du genou. Je sentis la brulure m’élancer. Je ne devais pas faire cas de la souffrance que je ressentais. Je devais juste lui échapper, à tout prix.
Je tentai de m’enfuir une nouvelle fois. C’était peine perdue, je le savais. Mais je devais essayer. Je ne pouvais pas le laisser gagner. Du moins pas sans avoir tout tenté.
Il se rua sur moi et attrapa mes cheveux me volant un cri de douleur.
Je vis que son regard avait changé, il s’amusait davantage.
Me tenant toujours par la racine des cheveux, il me secoua dans tous les sens pour continuer à me faire mal. Et pendant tout ce temps, il riait.
A cet instant précis je me suis dit que c’était terminé. J’avais perdu.
A sa merci je fermai les yeux. Je ne désirai plus le voir. Je voulais m’en aller, ailleurs.
Puis, tout alla très vite.
Je le sentis me lâcher, me laissant choir sur le sol dur comme une vulgaire chose. Je chutai de nouveau, les yeux toujours clos. Qu’allait-il encore faire ? Quel supplice allais-je devoir subir ? Un bruit que j’identifiais mal attira mon attention. Des sons étranges me parvinrent. Je rouvris les yeux, méfiante.
Abasourdie, je découvris qu’il n’était plus seul à présent. Ils étaient deux. L’ordure était en train de se battre avec un autre.
Avachie par terre, désorientée, j’assistai à une scène miraculeuse : Mon secours.
Il faisait trop sombre, les détails m’échappaient. Je ne distinguai pas l’autre homme qui me tournait le dos. Je devinai un corps à peine visible dans l’ombre.
Je faillis partir. J’aurais du décamper et les laisser se massacrer. Mais mes jambes ne me répondaient pas. J’étais incapable du moindre geste. Je ne pouvais que me faire le témoin de ce combat improbable.
Ils se battaient à dix mètres de moi avec acharnement, comme si l’un des deux devait mourir à la fin.
Je réalisai soudain que le coup de pied bien placé n’aurait pas suffi à me sauver.
Ils se livraient une lutte sans merci, d’une violence rare.
L’autre homme paraissait avoir le dessus ce qui m’impressionna.
Trop choquée, mes jambes refusaient toujours de m’obéir, je ne parvenais même pas à me relever.
A l’aide de mes bras, je me glissai en arrière, sur les fesses, pour m’éloigner d’eux.
L’adversaire de mon agresseur frappait toujours de toutes ses forces et dans un dernier effort, celui qui m’avait attaqué quelques secondes plus tôt, essaya de rendre un coup.
Il fut comme envoyé en l’air et s’écrasa plus loin, dans la boue.
Stupéfaite, il détala vaincu, sous mes yeux ahuris.
Le court du temps s’arrêta net. Dans un souffle, je recommençai à respirer.
J’étais figée. L’autre homme me tournait toujours le dos suivant du regard le fuyard.
Je le fixais en tentant de contrôler ma respiration hachée, je suffoquais.
Puis, il se tourna vers moi.
C’est là que je le vis pour la première fois.
Je crois que je n’oublierai jamais ce moment là. Un instant plus tôt, il n’était qu’une ombre dans la nuit en train de me porter secours. Il devenait soudain quelqu’un en entrant dans la lumière.
Toujours sous le coup de la peur, j’entendais encore le sang affluer dans mes tempes en des battements désordonnés et irréguliers.
Mon cerveau ankylosé s’évertua à intégrer simultanément nombre de paramètres. Mon assaillant était loin déjà et j’allais bien. Cet homme venait de me sauver la vie.
La panique qui m’étouffait céda alors du terrain. Quelques secondes s’égrenèrent dans le temps et ma frayeur se fit dépouiller par un sentiment intense de gratitude.
De son côté, peut être pour ne pas m’effrayer de nouveau, il resta là où il se trouvait.
Il ne bougeait pas, se contentant de me fixer avec intensité.
Ses yeux clairs m’envisageaient de façon étrange sans toutefois que cela en devienne effrayant.
Je ne pouvais pas pour autant à articuler le moindre mot. J’aurais du me redresser et le remercier, mais j’en étais réduite à l’observer dans ma posture ridicule, les paroles restant coincées au fond de ma gorge.
Moins intimidée que moi, il se mit à avancer, doucement.
Il était grand, moins imposant que l’autre homme et ses cheveux châtains cuivrés étaient en désordre surement à cause de la bataille qu’il venait de livrer.
Je déglutis péniblement en le voyant approcher et le regardai alors qu’il continuait de me dévisager avec attention.
- C’est terminé, me dit-il doucement. A présent tu peux partir, tu ne risques plus rien. A l’avenir il faudra tacher d’être beaucoup plus prudente Logan.
Il connaissait mon prénom.
Je me levai d’un bond et il comprit à ma réaction qu’il m’avait déconcertée.
Pour autant il ne rajouta rien, ne chercha pas à me rassurer. Il se contenta de planter une nouvelle fois ses yeux dans les miens et, malgré toute l’étrangeté de la situation et de ses paroles, je sus que je ne devais pas avoir peur.
- Comment savez-vous qui je suis ? Parvins-je à lui demander pour le moins désarçonnée.
Il sourit faiblement. Ce fut sa seule réponse. Et je le vis partir.
Un silence étrange et intense se fixa dans la nuit. Puis il revint mon sac à la main.
Je me sentis rougir à la pensée de toutes les poubelles que je transportais, éparpillées au sol et qu’il avait du replacer.
- Vous n’avez pas répondu à ma question… Comment connaissez-vous mon nom ?
Les mains tremblotantes, je pris le sac qu’il me tendait en murmurant un merci, comprenant bien qu’il n’avait nullement l’intention de me répondre.
Il était tout près de moi et pour une raison que j’ignorais tout à fait, j’eus du mal à lever les yeux vers lui.
Lâche, j’inclinai alors légèrement la tête de façon à lui échapper et c’est en considérant mes pieds que je bafouillai avec peine.
- Quoi qu’il en soit merci. Je crois que ce soir vous m’avez rendu un très grand service.
Il hocha la tête en signe d’assentiment puis commença à s’éloigner à reculons.
De cette façon, il fit ainsi quelques pas, puis il finit par se détourner et avança dans la nuit.
Il me quittait.
Quand je le vis complètement disparaître, réalisant qu’à présent je me trouvais seule au beau milieu de ce parc, je me mis immédiatement à courir en direction de ma voiture.
Essoufflée, le cœur battant la chamade, je me trouvai très vite assise face à mon volant, la tête rejetée en arrière.
Deux secondes plus tard, je fis hurler la première vitesse.
J’avais entamé cette journée pleine d’espoir, sure qu’elle serait le commencement d’une aire nouvelle. Le soleil ce matin là m’était apparu différent, annonciateur d’un changement. J’y avais vu un signe de cette nouvelle vie que je désirais tant débuter, la genèse de ce bonheur auquel j’avais droit et qu’à présent je revendiquais.
On venait de me confier des responsabilités et mon cœur avait ressenti les prémices d’une amitié en train de se nouer.
Puis, la précocité du froid hivernal m’avait conduite dans un parc où j’avais manqué de me faire tuer…Malmenée, insultée, on avait tenté de ruiner ma veine. Mais dans ce parc, la nuit avait décidé de me laisser une chance. J’y avais rencontré un ange. Sorti du noir ou de nulle part, envoyé des dieux ou du hasard, il était venu pour moi.
sendreen le 18-02-2010 à 18:12:00 #
tu toujours aussi magnifique ce chapitre, je le lis pour la deuxième fois et je crois que c'est un de mes préféré. J'aime beaucoup la façon dont tu décris les lieux, on s'y croirait et c'est magique. La relation entre Logan et Maggie se renforce dans ce chapitre. Et on rencontre un mystérieux inconnu. Le passage sur l'agression m'a encore scotchée, pauvre Logan!
angelsonrisa le 11-12-2009 à 20:01:37 #
Bonsoir,
Je viens de lire ce que tu as posté et je suis littérallement sous le charme.
Tu as une façon d'écrire tous simplement remarquable. Cette fluidité dans ton écriture mène la lecture dans un autre monde: on est réellement plongée dans ton histoire.
Chaque mot est a sa place ce qui donne un texte sublime.
Continue.
Bises.
Commentaires
cindy86 le 17-02-2010 à 09:37:26 #
Coucou miss c'est cindy86 du fofo twilight!
Moi aussi j'écris et je dois dire que je suis bluffée! tu écris non seulement bien mais tu as une imagination superbe! j'aime bcp ton style et j'espère sincèrement que tu perceras dans le monde de l'édition
bisous et pleins de bonnes choses
sendreen le 30-01-2010 à 10:11:36 #
ce synopsis est magnifique, tout comme le titre de ton histoire.
Rien qu'avec eux j'ai voulu lire ce que tu écris.
winette le 22-11-2009 à 16:34:43 # (site)
Tu nous la joue très mystérieuse ma poupette !
En tout cas compte sur moi pour continuer à te lire
Je suis très contente que tu te sois lancée!
Et oui il faut toujours croire en son destin. Qui aurait cru qu'un jour , il y a 3 ans, nos destins se seraient croisés ?
Je te nem fort !
grandioses-metamorphoses le 22-11-2009 à 13:32:40 # (site)
Merci !!
madisonbloggarden le 22-11-2009 à 10:30:33 # (site)
toujours croire jamais perdre l'espoir
bienvenue
Madison
enya le 22-11-2009 à 10:22:51 # (site)
Il faut toujours croire en son destin et à une belle vie
bienvenu sur vef
bon dimanche
bise