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Titre du blog : De nos grandioses métamorphoses
Auteur : grandioses-metamorphoses
Date de création : 22-11-2009
 
posté le 22-11-2009 à 23:25:43

Chapitre I

Avant de pouvoir se lier d'amitié avec quelqu'un d'autre,
il faut être ami avec soi-même.
Eléanor Roosvelt.
 
 

- Tu devrais penser à dormir un peu.

Je compris à sa réflexion que je ne devais pas paraître au comble de ma forme.

Je lui répondis, presque sur un ton d’excuse.

- J’ai vidé quelques cartons, rangé un peu. Je n’ai pas vu l’heure passer.

Je connaissais Maggie depuis peu.

Je l’avais rencontrée à mon arrivée à Jasper un mois plus tôt.

Sans perdre un instant, la première fois que nous nous étions croisées, elle m’avait souri et avait entamé la conversation. C’était la première chose qu’elle avait faite en me voyant. Elle avait souri.

Bien entendu elle avait tenté ce premier contact en me questionnant sur les raisons de ma venue. Les gens avaient plutôt tendance à partir d’ici pour rejoindre des lieux plus civilisés. S’y installer et s’y installer volontiers devenait tellement rare que par les temps qui couraient, cela en devenait intriguant.

Peu habituée et peu encline à parler de moi, je m’étais refermée plus que de raisonnable. La conversation avait alors pris fin sans que Maggie n’apprenne quoi que ce soit au sujet de la nouvelle arrivante que j’étais.

Le lendemain pourtant, en l’apercevant, je lui avais souri à mon tour. Elle était de ces gens rares qui n’inspiraient que ce genre de réactions et de sentiments.

Elle m’avait immédiatement retourné le geste, me confirmant ainsi l’idée que j’avais déjà d’elle.

Je compris avec soulagement qu’elle avait déjà oublié mon manque d’éducation de la veille.

- Je te le promets, je vais tacher d’être plus raisonnable. Ce soir je m’efforcerai de faire une nuit convenable.

Elle haussa les épaules et je l’entendis marmonner.

Vraisemblablement elle ne me croyait pas.

Elle repoussa sa frange de son front, légèrement remuante fit demi tour, sa silhouette s’éloigna.

Si notre taille était identique, Maggie était un peu plus corpulente que moi. Ses cheveux châtains tombaient sur ses épaules et ses yeux étaient pareils à deux émeraudes. Elle n’était pas à proprement parler un « canon » de beauté, mais j’étais consciente qu’en revanche, elle était sans aucun doute possible, la jeune femme la plus gracieuse qu’il m’ait été donné de rencontrer et cela lui conférait un charme inégalable.

Un quatrième café à la main, je gagnai mon bureau.

Ma journée de travail commençait.

A peine une heure plus tard une agitation soudaine se mit à gagner l’ensemble du personnel.

Certains se mirent à aller et venir en tous sens alors que le pas des autres se fit plus pressé. J’eus même le sentiment que le bruit des doigts frappant les claviers d’ordinateurs se décuplait dans l’espace tandis que le volume des conversations diminuait.

Je réalisai aussitôt en constatant cette panoplie de réactions que la direction du journal faisait son entrée et que tout bonnement, chacun des petits soldats du corps de notre armée prenait bien soin de s’afférer à sa tâche.

Navrée, je secouai la tête.

Maggie n’en avait pas perdu une miette et gloussait en face de moi.

Nous échangeâmes un regard complice, nous nous étions comprises.

Je la vis pouffer de plus belle.

Décidemment, je commençais vraiment à l’adorer.

Je ne m’étais pas trompée, Adam Green et William Callen firent leur entrée.

Je remarquai immédiatement qu’ils paraissaient vêtus de la même tenue : costumes sobres parfaitement coupés, parfaitement repassés. Tout chez eux les rendait austère.

Pourtant leur allure était complètement différente.

Le premier était grand. A le détailler, il devait mesurer 1m85, deux têtes de plus que le second.

C’est la démarche sure, le pas convaincu et  l’air grave, qu’ils traversèrent la salle de rédaction.

D‘un bond, deux femmes sautèrent de leurs fauteuils et se mirent à les suivre.

Je reconnus Nancy et Rebecca, leurs secrétaires. Elles m'avaient reçue quand j'avais passé mon entretien d’embauche.

Le rendez vous m'avez été fixé à dix heures et je fus ponctuelle pour une fois. Ce ne fut qu'en découvrant ces essaims de filles ultrasophistiquées et ces groupes de garçons, tous clones de Clark Kent  que je paniquai. Je n'avais jamais soupçonné qu'ici, au milieu de ces montagnes, se trouvait une réplique du New Yorker. Une sonnerie discrète avait retenti pour signaler que nous étions arrivés à l'étage demandé et les portes de l'ascenseur avaient coulissé silencieusement, comme avec déférence sur une salle de rédaction harchie comble.

Je commençai alors à avoir le sentiment de n'être vraiment pas à ma place tout en étant projetée dans une autre dimension, celle de mon ancien journal. La secrétaire de William Callen, Rebecca, avec ses bijoux clinquants et son maquillage impeccable ne m'avait pas aidé à évacuer ce sentiment.

Elle m'avait invité à m'assoir et à feuilleter quelques uns de leurs derniers numéros.

Au lieu de quoi, je fis toutes sortes d'exercices mentaux pour me remémorer l'historique du journal, récitant du bout des lèvres tout ce que je savais, comme si j'allais passer une interrogation orale.

Une autre femme vint me chercher. Nancy, la secrétaire d'Adam Green. Elle était plus petite que la précédente et svelte. Elle me conduisit à un bureau à la déco froide aux murs débordants de diplômes, prix et photos révérencieux. Avec un sourire crispé, elle m'annonça que j'allais rencontrer Monsieur Green.

Au bout d'une bonne demi-heure, j'avais vu apparaître un homme grand, à la stature imposante.

Son costume était sombre et aussi froid que son bureau.

De but en blanc, sans avoir pris le temps de se présenter correctement, il s'était lancé dans une description du poste. Le ton monocorde de sa voix m'en appris beaucoup. Ce laïus il l'avait répété un bon nombre de fois. C'était du tout prêt, du rabâché.

Mais je n'eus pas le temps de me perdre en conjectures.

Il débitait en effet des adjectifs et des superlatifs comme « inouïe », « fantastique », « saisissant », « le meilleur » à un rythme effréné.

Il récita son speech sans même prendre la peine de me regarder ou de feindre un intérêt pour le travail que j'avais accompli à New  York.

Cet homme n'avait pas l'air stupide pourtant j'eus l'impression qu'il essayait de m'enrôler pour intégrer une secte.  Finalement et bizarrement, il commença à prendre vie. Il me dit alors que le métier était dur, les journées incroyablement longues.

« Vous ne chômerez pas », m'avait il prévenu.

William Callen fit ensuite son entrée. A l'inverse de son comparse, il m'inspecta de pied en cap. J’eus droit  là encore à un discours interminable. Cette fois je réussis à être attentive. Sans doute parce qu'il parut adorer son travail. Sa voix vibrait d'excitation tandis qu'il évoquait l'aspect rédactionnel du journal, son désir d'expansion et plus particulièrement les ambitions qu'il nourrissait pour le développer.

Quand leur flot de paroles successives se tarit, ils finirent par me regarder, tous les deux.

- Qu'est ce qui vous a amené chez nous, Mademoiselle?

Je ne pouvais pas leur avouer les vraies raisons de ma venue dans ce coin perdu. Ça m'aurait grillé à tout jamais.

- J'ai lu votre annonce. Il me semble avoir compris parfaitement le profil de la personne que vous recherchiez. J'ai la conviction d'être la candidate idéale pour ce poste, ai je affirmé alors.

Le poste, nous l'avions tout juste évoqué. La description précise de quelle pourrait être ma tâche si j'étais embauchée, à peine effleurée.

Mais je voulais cette place de toute mon âme. Je voulais partir de New York. C'était un endroit comme celui là que je voulais rejoindre. Tant pis si je devais chaque jour tenir une rubrique sur les bouquetins ou les renards. Le poste me conviendrait. Je m'en contenterais.

Et je fus prise.

Alors que je me remémorais la façon dont j'avais gagné mon droit de vivre ici, mes deux chers patrons me passèrent sous le nez.

Derrière eux une porte claqua.

Sans plus de cérémonie, ils venaient de s’enfermer.

A cet instant j’eus le sentiment que ma journée n’allait pas être aussi magnifique que ce que j’avais pu le penser deux heures plus tôt.

Résignée, je me remis au travail.

A peine quelques secondes passèrent et Adam Green ouvrit la porte vitrée en poussant un cri tellement fort que ses poumons auraient pu exploser :

- Logan Barnes !

Surprise, je sursautai en faisant un bond gigantesque. J’étouffai un cri. Puis comprenant qu’Adam Green venait de m’appeler du seuil de son bureau, je me retournai.

D’une voix étonnée, j’articulai un « oui ? » qui comparé au cri que l’homme venait de pousser parut inaudible.

- Rejoignez nous je vous prie.

L’attitude hautaine de mes patrons et leurs visages fermés ne m’indiquaient rien qui vaille.

Je m’efforçai pourtant de gagner leur bureau avec l’air que l’on a quand on est sur de soi.

Une fois la porte refermée dernière moi, sans perdre un instant,  Green m’interpella sans plus de cérémonie.

- Mademoiselle, bonjour.

Savez-vous pourquoi nous vous avons demandé de nous rejoindre ?

Il avait prononcé ces mots sans faire cas de la moindre ponctuation, telle une machine  programmée pour connaitre son discours par cœur.

- Non Monsieur je ne le sais pas, répondis-je.

Il insista :

- Vraiment ?

- Oui Monsieur, je vous l’assure, j’ignore complètement pourquoi vous m’avez appelé, insistai je confuse.

Je commençais à m’inquiéter vraiment. Je fouillais dans ma mémoire pour me rappeler ce que j’avais pu faire ou dire de fâcheux.

- Très bien Mademoiselle Barnes, nous allons vous l’expliquer.

Il contourna alors le bureau et  s’assit à coté de son confrère dans un énorme fauteuil en cuir tout aussi imposant qu’eux. Je me sentis minuscule.

De sa main droite il finit par me proposer un siège.

Ce simple geste commença à me rassurer. Une discussion semblait s’annoncer. Je songeai que peut être je n’allais pas me faire virer immédiatement du bureau à grands coups de pieds au derrière.

Une fois que je fus assise, il reprit :

- Nous sommes très satisfaits du travail que vous avez accompli depuis votre entrée au sein de l’Alberta Daily Post.

Nous avons donc décidé de vous confier autre chose que la rubrique « faits de société », un travail bien plus passionnant.

A ce moment là, mes lèvres se pincèrent. Dans l’attente, je cessai de respirer. 

- Bien entendu ce que nous vous proposons n’est qu’un essai. Considérez Mademoiselle…

- Logan, le coupais je.

- Oui considérez, Logan, que nous vous donnons une chance de faire vos preuves.

Nous ne doutons pas de votre motivation.

J’ignorais comment les mots purent alors sortir de ma gorge pour lui demander :

- Et de quel travail s’agit-il ?

Un silence s’installa.

William Callen prît alors la parole pour la première fois en me gratifiant d’un sourire tout à fait commercial.

- Nous comptons former une équipe  qui sera chargée d’enquêter …

Il hésita un instant puis reprit.

- Pour tout vous dire, nous comptons faire de ce qui se passe actuellement ici, la priorité du journal.

Des hommes et des femmes sont retrouvés massacrés et plusieurs avis de disparition ont été diffusés. La peur a pris le dessus sur tous les autres sentiments.

Les gens ne comprennent pas ce qui se passe ici.

Tout cela fera l’objet de votre travail. Nous attendons de vous, de vous tous, souligna t’il alors, un travail pertinent, une implication de tous les instants.

Ce que nous souhaitons c’est LE dossier qu’aucun de nos concurrents n’aura élaboré.

Le cours du temps sembla se figer.

Toute ma vie j’avais attendu ce moment.

J’étais journaliste depuis que j’avais vingt ans.

J’avais consacré chaque jour de ces cinq dernières années à cela et pourtant soudain, j’étais tétanisée par ce challenge à relever.

- J’accepte, Messieurs déclarai-je pourtant sans attendre.

Tout s’était passé si vite, dans la plus grande frénésie que je n’eus pas le loisir de peser le pour et le contre, de délibérer comme je le faisais d’habitude. Pour tout. Mais j’avais le pressentiment que cela aurait été de la folie de ne pas saisir pareille opportunité.

Ils se dressèrent de conserve et me tendirent chacun une main confiante.

Je leur offris la mienne en veillant à ce qu’elle leur paraisse déterminée puis leur tournai le dos en sortant de la pièce d’un pas un peu trop chancelant à mon gout.   

Maggie m’aperçut et blêmit.

Son regard était inquiet, les traits de son visage, tendus. Elle courut vers moi en me questionnant aussitôt.

- Logan que se passe-t-il ? Me lança t elle.

- …Maggie… je crois que je viens d’avoir une promotion !

Je n’eus pas le temps de lui en dire plus qu’une voix retentissante nous faisant toutes deux sursauter s’écria :

- Maggie Ford !! Venez, je vous prie.

Elle se tourna dans la direction de la voix qui venait de l’apostropher. Callen se tenait dans l’embrasure de la porte. D’un pas rapide je la vis se diriger vers lui, un sourire béat accroché à ses lèvres.

La joie gagna soudain tout mon être, je sentis mon visage s’illuminer tandis que le soulagement prenait le pas sur mon angoisse naissante.

Maggie et moi devenions partenaires.

A l’heure de la pause déjeunée, nous étions parvenues à découvrir que notre équipe était composée de cinq personnes.

Je ne sais pas qui de nous deux,  Maggie ou moi, se réjouissait le plus de travailler avec l’autre.

J’avais le sentiment, peut être erroné, que c’était moi.

 

 

 

Commentaires

sendreen le 31-01-2010 à 12:09:50
Tu nous donnes envie de connaître un personnage et son histoire en seulement quelques lignes.